15 octobre 2007

Stéphane Galland voyage dans le temps

Concert le 12 septembre 2007 au KVS : Late nights, Klara Festival, Bruxelles
Stéphane Galland (batterie) invite Yaron Herman (piano), Nic Thys (basse), Gloire Nguya (guitare), DJ Grazzhoppa


Ils sont en retard. Chacun de son côté court à ce rendez-vous insolite. Chacun arrive d’un autre concert, d’un autre univers.
Yaron Herman est aussi à l’aise que s’il squattait le piano dans le foyer du lycée à la pause déjeuner.
Dj Grazzhoppa sort de la “box of night” d’une université de banlieue. Casquette, tee-shirt XL, look hip hop “conventionnel”, ni provoc’ ni vulgaire.
Le bassiste Nic Thys revient de Cuba d’où il ramène la casquette de Fidel Castro. Là-bas, il a accompagné Boubacar Traoré qui lui a offert une chemise en tissu traditionnel. Association de styles controversée !
Gloire Nguya. Il n’arrive pas seulement d’ailleurs ; il vient d’un autre temps. Chemise blanche, gilet sans manches et même des bandes de carreaux noirs et blancs cousues aux poignets et autour du col. Peut-être a-t-il joué dans la reconstitution qu’a tournée Wim Wenders pour The Soul of a man.
Stéphane Galland, lui, se fait remarquer par son classicisme. Jean, baskets, tee-shirt ; simple mais classe. Les mêmes cheveux longs qu’il y a cinq ans au concert de Joe Zawinul à Africajarc, où j’avais découvert ce jeune batteur impressionnant. Difficile de ne pas y penser car le décès du maître du « Bulletin météo » a été annoncé la veille.
Zawinul, on le retrouve d’ailleurs à tous les coins de rues de cette poursuite infernale. La fusion est encore en suspens et on est pourtant sûr que les cinq musiciens vont se percuter… Ils courent bel et bien les uns vers les autres dans des circuits distincts mais tous à la même cadence. La poursuite n’est pas une fuite et le bout-à-bout mène au split-screen où l’écran se divise en cadres de mêmes dimensions. Le quadrillage détruit le cadre et, de fait, on déconstruit, on répète. Jusqu’à la décadence, la décade danse. Ainsi, on dépoussière pour envoyer en l’air l’ordre établi. De bons grands coups de pied dans les terriers. Tout pointe son nez, même du reggae ! La musique est mise à jour : updated.
Pourtant, comme si le danger se faisait sentir, les musiciens regagnent lentement mais sûrement les craquements des boiseries classiques, antiques. Un vinyl amplifié qui finit par grésiller donne l’occasion à Nic Thys de déposer sa basse et d’empoigner une bonne vieille contrebasse acoustique qui fait grincer le plancher. Les invités s’effacent et le piano retrouve ses marques. Ulysse rentré à Ithaque restaure les clôtures de son territoire. En toute confiance, Yaron Herman en profite pour faire le clown. Il passe au saloon et invite ses copains à un petit bœuf entre amis. L’impro est toujours là et tant mieux mais l’atmosphère a changé. On ne s’attendait pas à un tel retournement de situation : le début du concert n’annonçait pas ça. Le thermomètre approchait du niveau de fusion mais, comme s’ils n’avaient pas pu assumer autant de degrés, les musiciens se séparent, se divisent, s’éloignent. Certes, ils savent se retrouver dans le trio inattendu, filet de sécurité où la musique se complexifie, se “dépopise” et en même temps se libère.
Une fois la terreur passée, la confiance revient, tant bien que mal. Ils se cherchent encore un peu et finissent par se trouver. Platine caressée avec sensualité. Disque scratché énergiquement. Cordes frappées inexorablement, comme le tempo aussi fiable qu’un éternel tic-tac. Depuis tant d’années, la tragédie est bien rôdée et cela pourrait durer et durer et durer…
Juliette

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