Un concert pas ordinaire
Music’Halle, jeudi 8 décembre
2016, un concert pas comme les autres.
Quelques semaines auparavant,
une discussion avec deux musiciens du groupe Alfie Ryner, le saxophoniste Paco
Serrano et le tromboniste Guillaume Pique, avait mis en lumière les
particularités de Rhizomes, création musicale en milieu pénitentiaire. Avant le
concert, en pleine période de répétition. Ils avaient expliqué qu'ils s’étaient engagés tous les deux
dans le projet, décidés à animer un atelier avec des détenus du Centre de Détention
de Muret.
En trois mois de deux heures
de travail hebdomadaire avec une quinzaine de détenus, il s’était passé
beaucoup de choses, autour de la musique bien sûr. Les deux musiciens
professionnels étaient arrivés avec un projet préconçu, essentiellement pour
travailler en musique électronique. Les détenus volontaires pour prendre part à
l’atelier, eux, avaient envie de jouer de la musique et surtout leur musique,
celle qu’ils avaient déjà pratiquée, celle de leurs racines, qu’ils viennent de
Tahiti, des Antilles ou de métropole. D’ailleurs dans l’idée qui avait prévalu
à cette activité, il ne s’agissait pas d’enseigner de la musique mais de
préparer une création musicale commune. Qu’ils nous ont présentée, finalisant
ainsi le projet.
Beaucoup d’instruments
occupaient la scène en demi-cercle : des guitares, une basse, des
ukulélés, des percussions (djembés, congas et autres), une batterie, des
ordinateurs et autres objets de musiques électroniques, un saxophone et un
trombone. Une attente forte, aussi bien du public que de tous les musiciens,
était prégnante, avec des incertitudes et la perception d’enjeux inhabituels. Le
public savait qui ils étaient et ils savaient que le public savait. Questions de
regards. Et d’affronter les regards ?
Le concert a commencé par un rap,
écrit par le chanteur, qui prit place à la batterie par la suite, assurant une
cohésion rythmique sans faille. Plusieurs textes chantés ou lus, en créoles et
en français, ont créé une énorme émotion à l’écoute de ces personnes qui
avaient la force de dire leur réalité. Les deux « animateurs » avaient
trouvé une place, leur place, sur le côté, aux manettes de l’électronique et
aux embouchures de leurs instruments. Le répertoire ? Il était très
agréable d’écouter les musiques tahitiennes -essentiellement à partir des
ukulélés et du djembé- et antillaises soutenues par des chants qui semblaient
porter des histoires et des vies. On ressentait un relâchement, quelque chose
de simple et de naturel : chanter, jouer et partager des airs connus. Le saxophone
et le trombone ont pris des chorus au sein des mélodies, avec plaisir. Sourires.
Bien sûr, les compétences musicales étaient très hétérogènes, les cultures
musicales également. Mais dans cette diversité s’est noué un flux sonore
composite, solide et fragile à la fois, sensible.
Quelle expérience, pour nous
les spectateurs !
Les rhizomes courent sous la
terre et de là naissent et s’épanouissent les cultures. Ce nom, choisi pour ce
groupe éphémère, a tenu ses promesses dans un concert qui s’inscrit dans les
événements rares.
Marie-Françoise
Les Productions du Vendredi
développent depuis 2011 un volet d’action culturelle s’adressant à différents
publics, dont les publics en difficulté. Rhizomes s’est construit en
partenariat avec la Centre de Détention de Muret, avec le soutien de la DRAC
Midi-Pyrénées et de la DISP (Direction Interrégionale des Services
Pénitentiaires) de Toulouse ainsi que du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion
et de probation) dans le cadre du programme Culture-Justice.
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