Three Days of Forest
Depuis
20 ans, la vieille abbaye romane se concentre, le temps d’un
festival sur des musiques de jazz. Or, pour cet anniversaire, une
surprise lui était réservée : avant que ne commencent les
concerts, une contrebasse et un banjo se dévoilent sur une terrasse,
des saxophones et une trompette jaillissent aux plus hautes fenêtres
et la vingtaine de chanteuses du chœur lotois Altichoeur entonne Oh
when the Saints, (marching vers la majestueuse Sainte Marie?).
Puis
place à la jeunesse et à Three Days of Forest, un groupe lauréat
de Jazz Migration, dispositif d’accompagnement des jeunes
musiciens. L’Association Jazzé Croisé, AJC, collectif de 80
diffuseurs (festivals, clubs, scènes labellisées,…) défend une
programmation réfléchie, construite sur une idée militante et
progressiste du jazz : contemporain, créatif, généreux et dont le
propos s’inscrit dans le cadre de projets culturels affirmés et
citoyens. Elle choisit chaque année quatre groupes de jeunes
musiciens qui trouvent des scènes dans le collectif, dont Souillac
en jazz.
Donc
le jazz émergent, neuf, occupe le premier la grande scène de cette
44e édition.
Trois
musiciens vêtus de rouge et noir abordent la soirée avec un rock en
anglais, que, rapidement, la chanteuse Angela Flahault transforme en
longue mélodie devenue langoureuse. Le Beffroi n’est pas en reste,
dont les cloches égrènent les notes sur les derniers sons de la
chanson.
Angela
explique le concept du projet : chanter des textes de deux
poétesses afro-américaines, Rita Dove et Gwendolyn Brooks. On
comprend vite qu’il ne s’agit pas de douces paroles sur de
mièvres musiques, mais au contraire d’une poésie grinçante et
revendicatrice, une poésie féminine de combat. « Je chanterai
d’une façon terrible. » Avec la même pugnacité et la même
puissance vitale que les poèmes doux et violents des deux poétesses,
Three Days of Forest expose Souillac en jazz à l’énergie et à la
liberté créatrice de leur jeunesse. Fluides et limpides, les chants
de la voix et de l’alto se font rauques, écorchés, dissonants.
Sur des ruptures de rythme, les contrastes rebondissent, car les mots
disent une réalité âpre et violente. Tout est instable, tout est
remis en question, sans cesse. Mais, flagrant, le plaisir de jouer ne
s’efface jamais des sourires d’Angela, Séverine et Florian. Sans
concession, sans peur de rudoyer les mélodies, ils revendiquent en
rap, ponctuent un cantique d’un cri déchirant ou déchaînent un
rock. Extrêmement expressive, la musique décolle les textes de
leurs mots, les mêle à des audaces sonores.
Sous
les murs éclairés de l’abbaye multicentenaire, le jazz, musique
infatigable, voit poindre son futur.
Angela
Flahault, voix ; Séverine Morfin, alto ; Florian Satche,
batterie
Marie-Françoise
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