Pinsac en poésie
Délicieux, tout en fine dentelle, que c’est beau, tels sont les mots qui se chuchotaient, de bouches à oreilles, dans les rangs serrés des chaises sagement disposées devant la façade de pierre de l’église de Pinsac. Ce lundi 15 juillet, le quintet Cavale de Prêle Abelanet a enchanté la nuit de poésie et de rêve. « Cavale, pour l’évasion, pour s’échapper, pour l’ailleurs », m’a expliqué l’accordéoniste compositrice.
Il
fait jour quand le concert commence, à l’heure où le ciel pâlit,
où le blanc de la pierre lotoise se teinte de rose, où la chaleur
cède le pas. Les musiciens paraissent un peu tendus mais ils sont
contents et ouvrent le concert par une mélodie de fête foraine, un
semblant de ritournelle, comme pour nous prendre par la main et nous
leur emboîtons le pas. Prêle est sobre au micro, elle indique les
titres des morceaux, comme une direction, comme une suggestion. Après
« Entre nuit », « Premiers pas » sonne
enfance, marche dans les sentiers, l’un derrière l’autre, comme
on en voit dans des films, des personnages au loin qui avancent et
papotent, on ne sait pas de quoi, on ne les connaît pas, on les
attend. De fragile et guillerette, la musique prend de l’épaisseur,
nourrie par des solos pleins de verve et voilà, l’ensemble, à nos
côtés. Alors, je perçois que les histoires avancent en
rebondissant. La musique est écrite, les solistes prennent tour à
tour la parole, c’est habituel, et pourtant, les mélodies
dérivent, découvrent de nouveaux chemins où nous nous sentons
curieux et séduits. Comme dans un rêve où les images s’enchaînent
selon une logique émotionnelle, la musique, très narrative,
suggère, invite à se construire ses propres histoires.
Le
morceau s’appelle Cimes. Sur mon calepin, spontanément j’écris
Sim, Sim Copans : je ne savais pas que je pensais à lui, à
l’histoire de ce festival. Il est présent donc, encore, et lie
Souillac au jazz. Je me rends compte que le concert me révèle ce
qui dort dans mon esprit. Je me tiens en alerte.
Quand
la lumière s’estompe, les cinq musiciens ont pris leurs aises et
les solos sont devenus hardis, longs et audacieux. Les spectateurs
sont tendus à leur tour, tendus vers une écoute totale, pour ne pas
perdre une note, pour agiter du fond de leur mémoire émotionnelle
des images prêtes à s’éveiller. Ils sont en condition de poésie.
« L’Autopsie de la feuille morte », qui commence par un
texte lu où se raconte l’inconnu de la vie de la feuille morte
(« on ne connaît pas la vie d’une feuille morte »),
joue des contrastes. La sonnerie des cloches de l’église s’en
mêle. Puis, une première suggestion, feutrée, un peu grave,
assourdie est démentie par une rythmique répétitive et entêtante
sur laquelle va se greffer une chansonnette, une presque ritournelle,
que démentent des solos compacts, inventifs, pleins de fantaisie.
Les
chaises se remplissent à nouveau, on ne part pas, on est tenu en
haleine, en attente. Le second set est plus libre, les solistes
prennent leur plaisir, ils se révèlent de grands artistes, au sein
d’une musique délicate et poétique. Qu’ils osent des bruitages
ou développent de longs propos, ils fondent leur énergie dans des
compositions subtiles et expressives. Un gros matou, qui n’a peur
de rien, visite la campagne : bruitages, évocations concrètes
des déplacements félins créent le décor puis vient le temps de la
rencontre, rebondissement collectif vers d’autres scénarios, sans
perdre le fil.
Cavale
pioche aussi dans le folklore, avec une bourrée décidément jazz,
dans la valse musette, dans la farandole, dans la répétition
obsédante…
Les
mélodies étonnent et charment, la force des solos laisse pantois.
Suivre
Cavale, vers nos ailleurs, dans les replis secrets de nos poésies
mêlées.
Marie-Françoise
Cavale est un groupe originaire de Perpignan, composé de Prêle Abelanet à l'accordéon et aux compositions, Alexis Lenoir aux saxophones, Arne Werninck à la trompette, Pierre Baradel à la batterie, Olivier Chevoppe à la contrebasse
Cavale est un groupe originaire de Perpignan, composé de Prêle Abelanet à l'accordéon et aux compositions, Alexis Lenoir aux saxophones, Arne Werninck à la trompette, Pierre Baradel à la batterie, Olivier Chevoppe à la contrebasse
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