17 avril 2019

Saison jazz : d'Arnaud à Rémi


Du jazz hors saison du festival, Souillac-en-jazz en concocte grâce à la scène conventionnée du Théâtre de l’Usine de Saint-Céré et, le samedi 16 mars pour entendre le quartet d’Arnaud Dolmen, la salle était pratiquement pleine.
On s’est bien rendu compte que cet événement culturel répond à l’attente des habitants de la région. Il est aussi un moment particulier pour des musiciens qui ne demandent qu’à jouer et jouer encore la musique qu’ils créent.
Ainsi ce soir-là, le quartet du batteur Arnaud Dolmen a déployé les morceaux de son premier album Tonbé lévé avec une très grande générosité. Sous le signe de l’équilibre/déséquilibre que symbolise dans la culture guadeloupéenne le Tonbé lévé, la créolité s’est faite musique. Le jeune batteur antillais vit, respire, bat « gwoka ». Cette pratique populaire née durant la période de l’esclavage malgré les interdits parfois mortels – et qui a perpétué les rythmes africains –, véhicule les aspirations à la fuite, voire à l’évasion et invente la puissance d’un des langages de la culture créole.
A l’image de son territoire d’origine, la Caraïbe, Arnaud Dolmen a élaboré un album de métissage, où les rythmes gwokas tissent en filigrane des histoires de tendresse et de respect.
L’hommage à Georges Troupé – Sonjé Jòj – qui fut le professeur, presque le mentor, du jeune batteur,  a été un moment d’une très grande émotion. On entendit aussi la respiration de Coltrane et des autres absents qui, quelque part dans un au-delà de jazz, soufflent encore leurs airs. Musique charnelle, qui prend aux tripes, qui bouge les jambes et les têtes, qui donne envie de fredonner, elle est aussi pleine de spiritualité : elle porte humblement mais délibérément le désir de métisser des inspirations géniales venues du passé et la création de l’instant, par le contact sur le vif entre les cultures et les personnalités. Il était fréquent que les morceaux commencent par un long solo, espace de libre inspiration-expérimentation et d’envol, souvent long qui donne une respiration et une couleur au développement collectif de la mélodie. Justement cette mélodie a pénétré nos oreilles, fait son chemin et on s’est surpris à fredonner des airs qui nous semblaient populaires, familiers. Le concert s’est affirmé dans ce métissage de musiques qui cherchent des sons neufs et combinent sonorités et influences des jazz les plus divers et de musique populaire guadeloupéenne. Les voix du pianiste Léonardo – grave – et d’Arnaud Dolmen – mélopée parfois – nous ont appelés à partager leurs émotions sur des paroles de mélange français et créole.
Ce groupe est dans une dynamique soudée ; sans doute l’aisance du contrebassiste Samuel F'Hima, qui avait remplacé Zacharie Abraham et jouait pour la première fois dans le quartet a-t-elle libérée par cette cohésion et cette entente tacite qui donne à chacun sa part imaginative.
La saison jazz du Théâtre de l’Usine de Saint-Céré se clôture à Souillac le 3 mai avec le concert de Rémi Panossian piano solo « Do », entre douceur poétique, références rock et envolées lyriques.
Marie-Françoise
photos Marc Pivaudran