Saison jazz : d'Arnaud à Rémi
Du jazz hors saison du festival, Souillac-en-jazz en
concocte grâce à la scène conventionnée du Théâtre de l’Usine de Saint-Céré et,
le samedi 16 mars pour entendre le quartet d’Arnaud Dolmen, la salle était pratiquement
pleine.
On s’est bien rendu compte que cet événement culturel répond
à l’attente des habitants de la région. Il est aussi un moment particulier pour
des musiciens qui ne demandent qu’à jouer et jouer encore la musique qu’ils
créent.
Ainsi ce soir-là, le quartet du batteur Arnaud Dolmen a
déployé les morceaux de son premier album Tonbé
lévé avec une très grande générosité. Sous le signe de
l’équilibre/déséquilibre que symbolise dans la culture guadeloupéenne le Tonbé lévé, la créolité s’est faite
musique. Le jeune batteur antillais vit, respire, bat « gwoka ».
Cette pratique populaire née durant la période de l’esclavage malgré les
interdits parfois mortels – et qui a perpétué les rythmes africains –, véhicule
les aspirations à la fuite, voire à l’évasion et invente la puissance d’un des
langages de la culture créole.
A l’image de son territoire d’origine, la Caraïbe, Arnaud
Dolmen a élaboré un album de métissage, où les rythmes gwokas tissent en
filigrane des histoires de tendresse et de respect.
L’hommage à Georges Troupé – Sonjé Jòj – qui fut le
professeur, presque le mentor, du jeune batteur, a été un moment d’une très grande émotion. On
entendit aussi la respiration de Coltrane et des autres absents qui, quelque
part dans un au-delà de jazz, soufflent encore leurs airs. Musique charnelle,
qui prend aux tripes, qui bouge les jambes et les têtes, qui donne envie de
fredonner, elle est aussi pleine de spiritualité : elle porte humblement
mais délibérément le désir de métisser des inspirations géniales venues du
passé et la création de l’instant, par le contact sur le vif entre les cultures
et les personnalités. Il était fréquent que les morceaux commencent par un long
solo, espace de libre inspiration-expérimentation et d’envol, souvent long qui donne
une respiration et une couleur au développement collectif de la mélodie.
Justement cette mélodie a pénétré nos oreilles, fait son chemin et on s’est
surpris à fredonner des airs qui nous semblaient populaires, familiers. Le
concert s’est affirmé dans ce métissage de musiques qui cherchent des sons
neufs et combinent sonorités et influences des jazz les plus divers et de
musique populaire guadeloupéenne. Les voix du pianiste Léonardo – grave –
et d’Arnaud Dolmen – mélopée parfois – nous ont appelés à partager
leurs émotions sur des paroles de mélange français et créole.
Ce groupe est dans une dynamique soudée ; sans doute
l’aisance du contrebassiste Samuel F'Hima, qui avait remplacé Zacharie Abraham
et jouait pour la première fois dans le quartet a-t-elle libérée par cette
cohésion et cette entente tacite qui donne à chacun sa part imaginative.
La saison jazz du Théâtre de l’Usine de Saint-Céré se
clôture à Souillac le 3 mai avec le concert de Rémi Panossian piano solo
« Do », entre douceur poétique, références rock et envolées lyriques.
Marie-Françoise
photos Marc Pivaudran
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