Sons sous terre
Pour
la quinzième année, Souillac en jazz invite le public à un concert
dans la grande salle des grottes de Lacave. Cette année, y prend
scène un trio inhabituel : le trompettiste Michel Marre se
joint au duo Bruel-Thuillier, accordéon-tuba. Alain Bruel
l’expliquera pendant le concert que le duo a vu le jour en 1997 au Cambodge,
sous la houlette du saxophoniste Jean-Marc Padovani (Lotois, car
souvenons-nous de son implication artistique au festival d’Assier), sous le nom des Aérophones. Férus de musique
traditionnelle, les deux musiciens bousculent les usages habituels de
leurs instruments : ainsi pour jouer la valse « Soir de
Paris », le tuba porte la mélodie. Il la transforme de musette
en danse langoureuse, sensuelle. Le large pavillon du tuba dressé
vers le haut plafond de la voûte allonge les notes, les glisse et la
pierre renvoie délicatement la mélodie.
La
plupart des compositions jouées ce soir-là sont de Michel Marre. Le
trompettiste les présente avec verve et humour. Il rend sans cesse
hommage à ses amis, insistant sur leurs prouesses musicales, leur
virtuosité et leur inventivité. Alors chantent la Bretagne et
l’Inde, le Cap Vert et le Brésil, Coltrane, Eddy Louiss et Don
Cherry. D’ailleurs, un chant traditionnel suivi d’une scottish a
ouvert le bal. Dans une subtile continuité, les airs populaires,
dansants, émaillent chaque morceau et, si l’étroitesse au sol de
la grotte - ajouté au froid et à l’humidité de l’air -
ne contraignait pas à l’immobilité du public, l’ambiance fête
de village trouverait à s’épanouir.
Cadeau
de la terre, l’acoustique naturelle permet de ciseler chaque note,
de jouer avec le silence. Les contrastes se fondent dans les
nuances : les mélodies rapides et nerveuses s’étirent, les
sons s’interpénètrent, limpides ou feutrés. Le trompettiste
parle de l’étrange dholak, tambour venu du Rajasthan et le morceau
qui lui est dédié, vif et dansant finit en quelques phrases
murmurées par tous les instruments chacun à leur tour. Il raconte
des histoires de musiques d’ailleurs et de peuples malmenés. La confiance, la générosité et l'amitié sont communicatives. Le
public est en connivence, il frappe le rythme, crie « ououou »,
récite une phrase pour Haïti, mais surtout, il est séduit,
subjugué et remerciera les trois artistes par une standing ovation.
On
peut imaginer que ce concert mémorable a imprégné la grotte et que
flotte encore dans les drapés de pierre une petite envie de
fredonner un air de bonheur.
Marie-Françoise - photo Jean-Claude Elisas
Michel
Marre (trompette, bugle), Alain Bruel (accordéon), François
Thuillier (tuba)
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