Chat qui rit taquine
Charivari - Le Taquin, Toulouse - 20 décembre 2017
Un plateau de treize musiciens
c’est un grand orchestre, ou presque. Au Taquin, un soir de défis : treize
musiciens qui n’ont pas l’habitude de jouer ensemble concoctent en une journée
de répétition un concert unique sur une scène de 3m sur 4m environ où il faudra
caser, entre autres, deux batteries et un vibraphone. Ajoutons la table de
l’émission Pas plus haut que le bord (Radio Campus) et ses sept intervenants.
Un défi spatio-musical. Il y a du monde, on se trouve, on se retrouve mais
surtout on fait connaissance. Là est sans doute l’enjeu de l’opération :
se connaître pour mieux s’entraider à propulser le jazz auprès des publics et
pour le plaisir de jouer ensemble. Le réseau Occijazz est à l’origine de cette
rencontre entre des musiciens des ex-régions Midi-Pyrénées et
Languedoc-Roussillon ; le saxophoniste Ferdinand Doumerc et le batteur
Arnaud LeMeur ont pris en main la coordination.
Les oreilles sous leurs
casques, les joyeux drilles de Pas plus haut que le bord, avec leur humour
acide et sans concession, avec la poésie du troubadour Marc Oriol aussi,
donnent au Taquin un air d’impertinence et de fantaisie. Les intermèdes
musicaux, duo épuré ou hymne que nous pourrions reprendre en chœur, sans doute
le poing levé, écorchent aussi les conventions.
Pendant ce temps, la curiosité
me tenaille, le suspense monte et les voilà, tous les treize à leurs
instruments. Pour entrer dans le concert, la clarinette basse et la flûte
créent un tunnel sonore aux sons claqués, un
peu étranges qui nous conduisent à une histoire – je me sens emportée
avec Alice vers je ne sais quel pays. Sur un fond répétitif, obsessionnel les
souffleurs se déclarent, appellent à une réunion commune. Un grand emballement
de tout l’orchestre par un rassemblement de voix multiples confirme le
merveilleux, comme dans un conte.
Accordéon, flûte. Klaxon
bloqué, quelques oiseaux, un nouveau paysage émerge, comme un long plan
séquence d’où petit à petit se dégagent des détails, des dérives, des
décalages. Au cœur de longs sons étirés se glissent avec délice trompette,
clarinette basse, guitares, batteries, claviers. Ce qui pouvait faire doute
devient certitude : ils créent ensemble, les propositions de chacun font
sens, font rêve, font musique.
Suit une chanson grave, comme
une danse qui s’égarerait dans des dissonances, puis accélèrerait sous les
impulsions de plus en plus rapides données par des batteries que rien
n’arrêtera. Alors des solos creusent le lit de la poésie, comme l’eau d’un
fleuve, puissante et immuable.
Puis, comme dans un tableau
impressionniste, de petites touches de couleurs construisent un paysage
paisible et habité. Reste à l’imagination de chacun le loisir de se promener sur
le dos d’un cheval au galop ou de rêvasser dans une verte campagne. Puis la
musique prend le pas sur les images, l’espace se remplit tout entier et vibre.
Je suis bluffée : Arnaud
LeMeur l’a dit à la radio, ils se sont trouvés cet après-midi autour de
morceaux envoyés au préalable. Mais comment créent-ils cet ensemble? lever une
main ou carrément, comme Ferdinand Doumerc, prendre la direction de l’orchestre. On est
bien loin du traditionnel big band où des solos succèdent au thème. Solistes
ils le sont aussi et leurs phrases personnelles abritent la poésie, une poésie folle
dingue, nourrie d’explorations de contrées intimes, qui résonne puissamment
dans nos oreilles et nos tripes.
Et puis, il faut quand même
s’amuser un peu et le dernier morceau est un grand moment ludique. On se
détend, on se fait des farces à coups de discordances, comme des enfants
bavards qui ne veulent pas se taire. Avant d’étonner avec un hymne à
l’exploration musicale collective.
Marie-Françoise - photos Jean-Paul Gambier
Nicolas Algans, trompette ; Florian
Demonsant, accordéon ; Ferdinand Doumerc, saxophones ; Dorian
Dutech, guitare ; Denis Fournier, batterie ; Clara Gaudré,
saxophone ;
Etienne Lecomte, flûtes ; Arnaud LeMeur,
batterie ; Etienne Manchon, clavier ; Samuel Mastorakis,
vibraphone ; Laurent Rochelle, saxophone et clarinette
basse ; Jean-Marc Serpin,
contrebasse ; Patrice Soletti, guitare. Et Loris Pertoldi a assuré la
sono.
Souillac en jazz est membre actif d'Occijazz, réseau jazz en Occitanie.
Souillac en jazz est membre actif d'Occijazz, réseau jazz en Occitanie.
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