Une bulle de jazz dans l'hiver lotois
Duo Louis Sclavis - François Raulin, Payrac, le 30 novembre 2017
Depuis quelques années, un
solide partenariat s’est établi entre la scène conventionnée de Saint-Céré et
le festival de jazz de Souillac pour la programmation jazz de la saison du
Théâtre de l’Usine qui irrigue tout le territoire de Cauvaldor, soient une
vingtaine de communes du nord du département du Lot.
Plantons le décor. Il neige ce
soir du 1er décembre sur Payrac, un bourg du Lot d’un peu plus de
600 habitants, à quelques kilomètres de Souillac. Dans la salle polyvalente du village
trônent un magnifique piano à queue noir et un pupitre face à une soixantaine
de spectateurs. Deux artistes majeurs de la scène jazz donnent un concert.
François Raulin et Louis Sclavis se concentrent, repoussent la neige, le froid,
la nuit pour déployer une étendue de musique, unique, prégnante.
Louis Sclavis embouche la
clarinette basse, qu’il alternera avec la clarinette, et expose, dans un
dialogue soutenu avec le pianiste, « Le Sommeil des sirènes » suivi
sans intermède de « Last Exit ». Les deux morceaux, complexes,
exigent une concentration totale des instrumentistes, les yeux fixés sur les
partitions d’une musique qui s’envole, enjouée et empreinte de mystère.
Les thèmes sont très écrits, rythmes
et harmonies complexes, joués parfois sous forme de dialogue ou exposés tour à
tour par chacun des deux instruments. Les chorus y ouvrent des espaces qui
paraissent infinis d’exploration et de fantaisie. La connivence entre les deux
artistes est évidente et elle paraît essentielle pour fonder une musique si
exigeante et élaborée et leur donner l’élan et le socle d’improvisations qui
nous offrent de vrais moments de grâce.
« La Lettre à Emma
Bovary », composition de François Raulin, qui commence dans un jeu de
piano, délicat, une dentelle de notes où se glisse la clarinette lente et
calme, un peu triste, porte en elle une émotion communicative. Happés, les
spectateurs sont bien là, avec, dans le concert.
Les deux musiciens se
contentent d’énoncer les titres des morceaux, laissant la parole à la musique
pour dire tout le reste. Et chacun s’y love.
Le chant est là aussi ;
dans la composition de Louis Sclavis « Along the Niger », il nous
guide sur les chemins de la patience vers une contemplation admirative,
ponctuées d’événements suggérés par des motifs dessinés par le piano puis par
la clarinette.
Dans l’ombre du grand piano
noir qui reflète dans ses courbes les spots et les éclats de lumière renvoyés
par la verticalité de la clarinette au léger pavillon métallique, un paysage se
dessine : celui des poursuites à cheval, des vastes plaines, des voies qui
bifurquent.
Nos yeux se posent sur les
mains du pianiste, sur l’exactitude du geste, léger et parfait et sur le visage
du clarinettiste, éblouis par le souffle inépuisable en puissance et vivacité.
Alors se déploient de longues et amples phrases qui donnent vie à l’inspiration
du musicien.
Peu avant la fin du concert,
les musiciens quittent leurs partitions, improvisent pour nous, assis là devant
eux, en cadeau pour chacun.
Deux rappels sur des airs de
danse jouent du charme et de l’élégance, juste avant que le vin chaud ne nous
ramène à la réalité climatique.
Marie-Françoise
photos Marc Pivaudran
photos Marc Pivaudran
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