11 juillet 2015

Au micro : Jerry Leonide



Le jeune pianiste mauricien Jerry Leonide viendra le vendredi 24 juillet livrer le subtil parfum de la musique créole dans un jazz puissant au swing dominant, qui caractérise sa musique très personnelle. Seul au piano, il nous fera chalouper sur les crêtes de vagues multiples, venues d’un pays aux nombreuses influences ethniques et musicales. Nous avons pu lui poser quelques questions.


Tout d’abord, j’aimerais que vous racontiez votre parcours, qui vous conduit de l’Ile Maurice (où se trouve également Souillac) à Souillac (Lot) ou plus sérieusement et plus généralement comment vous êtes arrivé au jazz et à Paris.  
Quand j'ai commencé le piano à 7 ans, j'ai fait un peu de musique classique, chose que j'ai vite laissée car j'étais naturellement attiré par l'improvisation. J'ai joué mon premier standard de Jazz à l'âge de 9 ans et là j'ai compris que c’était cette musique que je voulais jouer. À l'âge de 17 ans, après avoir été longtemps autodidacte, j’ai décidé de partir pour Paris afin d'étudier la musique plus sérieusement.
Comment êtes-vous arrivé au concours de Montreux ?  
C’est intervenu à un moment de ma vie où j'étais dans un travail très approfondi de l'instrument et je cherchais de nouveaux défis. Pour le concours, il fallait  proposer des arrangements de standards très connus ainsi que des compositions personnelles. C'était un bon moyen. Je travaille mieux quand j'ai un objectif à atteindre et donc je me suis inscrit.  
Quelles sont vos inspirations ?  
Les gens, des lieux. L'album " The Key " est né après un voyage à l’île Maurice, après une absence de plus de quatre ans ; sans voir ma famille ni fouler la terre qui m'a vu naître. À mon arrivée, j'ai été submergé par des sentiments très forts. Je découvrais à nouveau la beauté de mon île, sa musique, sa culture  et aussi les retrouvailles avec toutes les personnes qui comptent pour moi. Je me suis assis au piano, et la musique de ce disque est venue à moi, comme un processus d'analogie. Des images et des souvenirs viennent les mélodies.
Quand on vous voit jouer du piano, on est frappé par votre engagement physique. Pourriez-vous qualifier votre rapport à l’instrument ?  
Le piano est un instrument complet avec des capacités à produire un registre de sons quasi-infini. Ce qui crée un rapport physique à l'instrument, ce sont les touches qui sont reliées aux cordes et à mon sens, plus vous mettez de l'expression, plus vous obtenez le sons recherchés.
Pour en revenir à l’Ile Maurice, quelle est la place du jazz sur l’île ? quels sont les musiciens joués ? appréciés ? Quelles sont les musiques qui constituent votre univers ?  
Le Jazz à l’île Maurice a une longue histoire. En tout cas comparativement à d'autres pays d'Afrique, on a une culture de cette musique qui est très évoluée, et nous avons aussi un public qui aime le Jazz. Le pays possède une multitude de petites scènes où ça joue tous les soirs avec au programme des standards de Jazz, fusion, funk etc. Un peu comme les clubs de la rue des Lombards à Paris. J'aime écouter tous types de musique, du classique en passant bien sûr par le Jazz jusqu'aux chants polyphoniques des pygmées d'Afrique Centrale.
Vous composez et vous improvisez. Pouvez-vous nous parler de ces deux pôles qui vous habitent ? L'improvisation fait partie intégrante du Jazz. Elle est une suite de ce que représente la composition qui est jouée. En tout cas, c'est comme ça que je l'envisage. Comme de l'écriture libre mais éphémère  autour d'un sujet donné. Chaque morceau écrit véhicule un sentiment et ce sentiment est prolongé par l'improvisation. 
Vous avez sorti un album The Key en quintet. Comment avez-vous constitué cette formation ? Il est très différent d’écrire pour jouer seul et de composer pour un quintet. Pouvez-nous nous parler de votre écriture de la musique ?  
La rythmique de mon disque est composée de deux mauriciens, cela coulait de source. Pour faire un hommage à la musique mauricienne, il faut des Mauriciens. Puis pour apporter une ouverture,  j'ai décidé d'appeler deux soufflants non-mauriciens. Je suis assez content du résultat car ils ont su s’intégrer dans cette musique tout en apportant leurs touches personnelles. L'écriture, à mon sens, est une constante. L'orchestration et l'arrangement déterminent la forme de la musique mais pas son contenu. Quand je compose, je suis tout seul avec mon piano. J'imagine la finalité de ma musique mais ce que je suis en train d'écrire doit me plaire d'emblée pour avoir le stimulus de continuer.
On vous entend peu dans les festivals (seuls Montreux et nous), pourquoi ?  
Je suis une nouvelle voix dans le paysage du Jazz.  Je mets un peu de temps à me faire entendre. Les promoteurs attendent aussi de voir comment ma musique sera accueillie par le public, qui, j'en suis conscient, est très atypique.  Le très bon accueil de la presse spécialisée concernant le disque laisse augurer de bonnes choses pour la saison 2015-2016, en tout cas je l’espère ! Et puis, il m'a fallu du temps pour trouver les gens qui m’épaulent dans  cette aventure, par exemple, Je pense à mon label ACT music qui fait un travail formidable.
À Souillac, la scène est installée en extérieur (si le temps le permet) devant une majestueuse abbaye romane à coupoles. Est-ce que le cadre dans lequel vous jouez vous influence, vous inspire ? 
Oui , je pense à des facteurs comme la beauté du site, la luminosité, la proximité avec le public etc. tout ça peut influencer la façon d'aborder un morceau et donc changer le concert. C'est comme jouer dans un club de Jazz au troisième sous-sol. D'ailleurs votre description du site me donne envie d'y être.
Question subsidiaire : 
pourquoi votre site est-il en anglais ? 
On me fait souvent la remarque. Les raisons sont assez simples. Le label ACT est basé en Allemagne et tout mon support est en anglais. Le webmaster est américain et donc il ne peut pas faire les traductions. Du coup il fallait faire un choix, et l'anglais étant quand même la langue officielle du Jazz ( et de l'ile Maurice ) 

interview réalisée par Marie-Françoise Govin  - photo DR