The Bad Plus, le travail du son
The Bad Plus, le vendredi 25 juillet 2014, 21h15, place Pierre Betz, Souillac
Entretien avec Reid Anderson, bassiste et Ethan Iverson pianiste, à Bruxelles, le 2
avril 2014.
Vous viendrez à Souillac
pour jouer le projet Made
possible. Pourquoi ce titre?
Ethan : Un projet, ça représente une
charge de travail énorme. Le titre c’est ça : essayer de le faire et d’y
croire, et, une fois encore, rendre la chose possible.
Et vous y êtes arrivés!
À propos de titres,
pourquoi le nom The Bad Plus?
E: ça ne veut rien dire.
Reid : nous nous sommes réunis pour
jouer de la musique et faire partie d’un groupe. Au sens propre de groupe, il
n’y a pas de leader ; donc il nous a semblé important d’avoir un nom pour le
groupe et c’est celui là qui nous est venu.
Comment vous-êtes rencontrés
et avez-vous décidé de former un groupe?
E: nous nous sommes rencontrés il y
a longtemps. Reid et David jouent ensemble depuis qu’ils ont 15 ans. Et je les
ai rencontrés quand j’en avais 17 je crois.
Vous venez tous de la
même ville?
E: des endroits assez proches
R: mais nous avons formé le groupe
autour des années 2000 quand nous avions environ 30 ans ; avant cela, nous développions,
comme musiciens et compositeurs, avec nos propres projets. Parfois nous jouions
ensemble mais finalement, chacun suivait de près ce que les autres faisaient et
nous avons pensé que ce serait une bonne idée de jouer ensemble.
Vous aviez l’habitude
de jouer ensemble avant de former le groupe?
R: nous n’avions joué qu’une seule fois
tous les trois ensemble avant de former le groupe mais Ethan et moi jouions
ensemble ou David et moi ou Ethan et David… Nous savions tout des
enregistrements les uns des autres, du travail les uns des autres.
Vous déclarez parfois
que vous brisez les conventions musicales, pouvez-vous expliquer pourquoi et
comment? Comment combinez-vous vos énergies et influences musicales? C’est
peut-être une question compliquée…
R: je veux dire, nous voulons juste
sonner comme nous-mêmes, avoir notre son, un son personnel. Nous voulons avoir
une extension artistique de notre expérience de vie et nous voulons laisser
aller nos influences, qu’elles soient musicales ou autres, sans nous préoccuper
de catégories. Juste la manière la plus naturelle : rendre possible et être. Nous n’avons pas un programme “il faut
que nous brisions les conventions musicales”! Nous sommes juste là pour jouer
de la musique personnelle, personnelle c’est le mot-clé. Nous aimons les
émotions complexes en musique ; c’est quelque chose qui apparaît comme “briser
les conventions musicales” peut-être. Si des conventions musicales sont brisées
c’est une conséquence.
Vous avez dit que vous
aviez des influences musicales et autres… Quelles sont les sources
d’influences, d’inspiration?
E: principalement des films. Parfois si j’écris un morceau, parfois
ça vient d’une bande originale
Est-ce qu’il vous
arrive de regarder des films ensemble?
E: oui, nous regardons des films
ensemble, nous regardons plutôt des films chacun de son côté mais il arrive que
nous en voyions ensemble.
R: l’art ne vit pas, ou l’expression
ne vit pas dans un vide mais tout est constamment influencé par différentes
choses, sensations… une promenade en forêt ou en ville…
Est-ce que vous
partagez vos sources d’inspiration?
R: si nous voyons quelque chose qui
nous plaît, nous en parlons ensemble et suggérons aux autres de regarder à leur
tour mais une fois encore la musique qui surgit alors n’est que la conséquence
d’une expérience
Quels genres musicaux
explorez-vous?
E: tous les trois, nous avons de
grandes collections de musiques. Nous sommes tous de grands fans de toutes
sortes de musiques, donc je crois qu’à nous trois nous avons des influences
très variées. Nous ne partageons pas les mêmes goûts. Ni les mêmes avis. Et
c’est bien. Si vous regardez nos trois ipads, vous allez trouver des collections
de musiques très différentes. Je n’arrive pas à croire à certains trucs qu’a
David ! Je ne comprends pas !
C’est peut-être un
élément de réponse à une autre question: à quoi attribuez-vous la longévité de
votre groupe? Peut-être est-ce lié au fait que vous ne partagez pas les mêmes
goûts?
E: je crois que nous savons tous que
le groupe est plus grand que chacun de nous, c’est très important…
Et est-ce que ça a à
voir avec le fait que vous collaborez avec d’autres musiciens, dans d’autres
groupes comme Ursus minor, Happy Apple, …
R: oui, c’est bien d’avoir d’autres
projets, de faire d’autres choses. C’est sain.
Et est-ce que l’amitié
a à voir aussi ?
E: sûr! Parce que nous nous
connaissons depuis tellement longtemps.
R: nous sommes dans une histoire de
famille, c’est très différent que d’être seulement amis.
En-dehors du Sacre du
printemps, auriez-vous un autre “clin d’oeil” musical?
E: Nous allons faire un projet
autour d’Ornette Coleman… C’est loin de Stravinsky! En fait, c’est très
similaire aussi! Puisque tous les deux composent beaucoup de musique
diatonique. Tous les deux transmettent du folklore. Ils se répondent l’un à
l’autre?
Vous avez joué avec
Joshua Redman, avez-vous d’autres musiciens avec qui vous voudriez collaborer?
E: sur le projet Ornette Coleman,
nous avons d’autres musiciens qui vont jouer avec nous.
R: Nous avons aussi joué avec le
guitariste Kurt Rosenwinkel.
E: nous avons joué avec Bill Frisell
aussi l’an dernier. Et Rosenwinkel et
Frisell sont des musiciens que vous connaissez ou vous les avez invités parce
que vous connaissez leur musique et qu’elle vous plaît?
E: Bill Frisell est une de nos
grandes influences
R: Et Kurt est un ami à nous.
Vous êtes reconnus
pour influencer de jeunes musiciens… Est-ce que cela vous invite à aller plus
loin dans votre travail, dans vos recherches?
E: j’ai entendu que nous avions une
influence mais je n’ai jamais entendu personne avec un son inspiré par nous;
donc je ne me sens toujours pas quoi que ce soit dans ce sens. Personnellement
je me sens assez détendu sur cette question de l’influence.
R: oui, je suis d’accord. Je n’ai
jamais rien entendu qui m’ait fait me dire que quelqu’un avait pris quelque
chose de nous mais je pense aussi que c’est magnifique d’être une influence,
c’est un compliment incroyable pour ce que vous faites. Je pense qu’une part de
développement en tant que musicien est de prendre des choses que vous aimez. Au
départ vous essayez de les imiter puis de construire quelque chose avec qui
devient vôtre. Donc si nous pouvons être une part de ça pour quelqu’un comme
tellement d’autres l’ont été pour nous ce serait quelque chose dont nous
serions fiers.
A Souillac, vous allez
jouer devant l’abbaye… Quelle est l’influence du cadre dans lequel vous jouez
sur votre musique, sur vos improvisations?
E: encore une question d’influence!
R: nous devons répondre au son, à
l’espace, comme nous nous sentons d’être là. Mais c’est spécialement le son. La
façon dont le lieu sonne a une énorme influence sur comment nous nous sentons.
Je ne pense qu’on puisse quantifier, ni que nous changions tant que ça mais il
faut répondre au son.
Et sachant cela, il
vous arrive de demander à l’avance à quoi ressemble le lieu dans lequel vous
allez jouer?
E: nous jouons beaucoup. Nous ne
savons rien sur l’endroit où aura lieu concert jusqu’à ce que nous soyons sur
place. Mais il y a des conditions techniques pour chaque performance. La
plupart des endroits dans lesquels nous jouons sont des salles de concert où il
y a une batterie, une basse et un piano donc ce n’est pas une nouvelle
expérience pour aucun d’entre nous.
E: Depuis combien de temps y a-t-il
un festival là?
Au moins 36 ou 37 ans.
E: Parfois je pense à combien de
musiciens ont joué dans le festival avant moi. Plus de 30 ans, c’est beaucoup
de musique! J’aime bien penser à ça, combien de gens sont passés par cette
ville pour jouer leur musique dans ce festival, c’est incroyable! Et ça
inspire.
Donc pour vous c’est
plus une question de l’histoire du lieu …?
E: Je ne sais pas dans quelle mesure
vous pouvez changer ce que vous faites vraiment selon le public. Nous pouvons
répondre au public dans un certain sens mais nous sommes là pour notre
spectacle quoi qu’il en soit.
R: Mais nous ne changeons pas non
plus notre spectacle en fonction de l’histoire de la salle de concert. Mais
nous sommes très attentifs envers notre public. Nous jouons toujours avec
l’intention d’emmener le public dans la musique pour avoir un échange avec lui.
C’est vraiment très important. Certains musiciens n’aiment pas… ignorent le
public… J’espère que nous aurons une belle expérience là-bas.
Moi aussi! Merci
beaucoup.
Juliette pour l'interview et la transcription
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