22 juillet 2014

Les coulisses d'un documentaire romanesque: entretien avec Richard Copans


Pourquoi ce film, Un amour, qui parle de vos parents, Sim et de Lucienne Copans, après le documentaire Racines qui racontait vos origines familiales ?
Racines est un film sur la génération d’avant Sim et Lucienne. Mes parents ont très peu raconté leurs origines. Sans doute, pour deux raisons : ils étaient athées et communistes d’une part et d’autre part, mon père savait peu de choses sur la Lituanie ; ses parents, qui avaient émigré aux Etats-Unis, ne savaient pas grand-chose de ceux qui étaient restés en Lituanie. Et ma mère ne parlait jamais de Soissons. Lorsque ce film est sorti en salle, France Culture m’a proposé de faire un documentaire pour la radio sur la période de leur rencontre et sur leur vie. Je pensais utiliser les lettres que mon père avait écrites à ma mère mais elle s’y est opposée. J’ai respecté bien sûr sa volonté. Après son décès, j’ai repris ces lettres mais j’ai eu envie de mettre aussi des images et de faire un film documentaire. Au début, je ne pensais pas raconter leur amour, il a fallu avancer dans le temps et dans le deuil. Ensuite, je me suis lancé dans une enquête et j’ai eu envie de faire appel à un écrivain. J’en ai rencontré plusieurs et en fin de compte, c’est Marie Nimier qui a écrit le texte.
Et c’est comme ça qu’est né ce film Un amour.
Comment avez-vous choisi les moments de la vie de vos parents pour jalonner le film ?
J’ai choisi les épisodes qui m’avaient été ou qui avaient été souvent racontés : la rencontre à Chartres, les enfants espagnols recueillis, l’arrivée à New York. Et j’ai inventé d’autre scènes. Par exemple, je ne sais pas comment Sim a écrit son testament avant de partir en 1944. L’écrivaine a pu se saisir de ce que je m’étais autorisé à créer. C’est la couleur romanesque du film.
C’est une histoire intime en rapport avec la grande Histoire, j’y tiens beaucoup. Les sentiments liés aux convictions ont énormément joué dans la vie de mes parents. Ils n’étaient pas à proprement parler militants mais ils avaient des opinions tranchées. Je me souviens des prises de position de ma mère au moment des événements de Budapest. Le film reste fidèle à la petite et à la grande Histoire.
Comment s’est déroulé le passage de l’écriture littéraire à la réalisation filmique ?
L’écriture romanesque permet de dire l’intime, la sensualité, l’amour. Les lettres contiennent beaucoup de sensualité. Marie Nimier a écrit beaucoup plus que ce qui est dit dans le film et nous avons travaillé en allers retours permanents. Les personnes qui apparaissent dans le film disent les textes écrits par Marie Nimier.
Et puis, il y a la musique. L’année dernière, j’avais enregistré le concert de Portal et Peirani et de longs moments se trouvent dans le film. Nous avons complété avec une séance d’enregistrement au Triton, aux Lilas. Ce sont des musiciens exceptionnels et la bande son est vraiment extraordinaire.
A la fin de votre film, nous voyons une discussion avec Jacques et Lucienne Pivaudran. J’ai été très émue par ces images et ces paroles. Pourquoi cette séquence tournée l’année dernière en juillet, lors du festival ?
C’est une manière de revenir à Souillac, à un couple qui aime beaucoup mes parents. Lucienne Pivaudran souligne qu’il n’y a pas de couple exemplaire. Le film s’achève sur une note légère, modeste. Et ensuite, la dernière séquence s’étire sur le ramassage des noix aujourd’hui : un événement très simple, l’arbre tremble, l’absence.
Entretien accordé par Richard Copans à Marie-Françoise Govin, 12 juillet 2014