22 octobre 2013

Le quintet de Joël Allouche rend hommage à Tony Williams

 
Cette année, les concerts à l’Automne club remémorent des univers de jazz dans lesquels nous trouvons beaucoup de plaisir: hommage à Charlie Parker avec Manu Codjia, Géraldine Laurent et Christophe Marguet, à Michel Petrucciani avec Fabrizio Bosso et Makous trio, à Tony Williams avec le quintet de Joël Allouche. Ces trois concerts ont été brillantissimes, accrochés aux traces indélébiles laissées par de très grands musiciens et emportés par la fougue du jazz contemporain. Sublimation et non nostalgie. 
Le batteur Joël Allouche connaît très bien la musique du batteur Tony Williams, qui entra dans l’orchestre de Miles Davis en 1963, à l’âge de dix-sept ans. (Figure majeure de la batterie moderne avec Elvin Jones, il a joué avec John MacLaughlin, Gil Evans, McCoy Tyner, Sonny Rollins, Herbie Hancock, Wayne Shorter.) 
Au fur et à mesure qu’avance le concert, on est de plus en plus séduit par les mélodies, qui tournent et virevoltent d’un instrument à l’autre ou se développent dans un ensemble puissant et chaleureux. « Geo-Rose », introduit par une délicate présentation de Joël Allouche, donne l’occasion à la trompettiste Airelle Besson de développer son imaginaire dans un très beau solo ainsi qu’une complicité qui ne se démentira pas avec Pierre-Olivier Govin aux saxophones alto et soprano. D’ailleurs le morceau suivant, «Juicy Fruit», est le temps d’un délicieux dialogue trompette saxophone où les phrases souvent courtes se fondent en une souple parole. Au cours du concert, chaque musicien, chaque instrument développera, sans que s’installe une monotonie systématique, les mélodies. Si les deux souffleurs sont au milieu de la scène, il n’y a pas de vedette ; solos et dialogues se tissent et l’amitié, le respect et le plaisir de jouer ensemble sont tangibles pour le public. La jeune contrebassiste Gabrielle Koehlhoeffer donne une couleur tendre et un peu grave à «Pee we», tandis que le pianiste Rémi Ploton étire la mélodie par des notes tenues, en particulier dans le joyeux et tonique «Cristal Palace». Joël Allouche soutient la formation de son sourire et de son tempo immuable et néanmoins subtilement suggéré. Dans les traces de Tony Williams, il travaille la technique au profit de la pureté des sons ; en filigrane, elle s’estompe au profit de la sensibilité et de l’émotion. Le concert monte en puissance, les énergies et les imaginaires s’épanouissent et le public en veut encore : un magnifique «Sister Cheryl» finit de le convaincre. 
Marie-Françoise