16 octobre 2010

Pado sur son 31

Automne 2010, « Une heure avec … Jean-Marc Padovani », quatre concerts à l’Automne Club du 12 au 16 octobre. Ce n’est plus le Magic Mirror qui sert d’écrin aux concerts mais une salle de spectacle sous un chapiteau blanc, dans la cour du Conseil Général de la Haute-Garonne. Des photos, grandes et chaleureuses, couvrent les parois extérieures, de très belles fleurs éclairent le hall. Dans la salle, on voit bien de partout ou à peu près ! L’acoustique est bonne ; on ne regrette plus le Magic Mirror, surtout que sur de grands panneaux lumineux, des musiciens de jazz (en photo) assistent aussi aux concerts. Un léger bémol : le bar au fond attire quelques spectateurs, qui, rejoignant tardivement leurs places, font vibrer le plancher qui résonne.
J’ai pu assister à trois concerts de Jean-Marc Padovani et ses amis.
Noces d’été à l’Automne club. Mardi 12 octobre à la batterie, Ramon Lopez (en costume cravate), à la basse Claude Tchamitchian puis à la guitare Claude Barthélémy ; ne serait-ce pas ses amis d’Assier, ceux qui ont secoué les nuits d’été du Lot avec des musiques improvisées passionnantes et inventives ? D’ailleurs, c’est avec « Noce d’été », composition de Claude Tchamitchian, que Jean-Marc Padovani, qui semble très ému, commence sa semaine pour « Une heure avec ». Ce court morceau enjoué et mélodique donne le ton d’un concert où la poésie propre de Jean-Marc sera habitée par les improvisations décapantes de Claude Barthélémy et les intonations orientales de Didier Malherbe qui rejoignent rapidement la formation. Ce sera « Solear » de Padovani, où les boucles se croisent et s’entremêlent dans une musique planante et poétique. Le doudouk, hautbois arménien, de Didier Malherbe et le saxophone se mélangent et s’unissent sur la ronde batterie, légère et puissante et les notes détachées de la basse. La mélodie submerge, tient en haleine. Des touches d’humour et d’Orient pimentent les airs, accents rockeurs, impro ingénieuses des cinq « friends ». Spectacle solide où tout se tient, se répond, se développe, cette première heure se termine par une très belle et très novatrice version de « We see » de Thelonious Monk ; il faut entendre la batterie de Ramon Lopez, tonique et mélodique et toute l’émotion que Claude Tchamitchian, qui utilise volontiers l’archet, apporte à chaque morceau, je n’en ai pas assez parlé, mais c’est là tout le temps, portant. Un arrière-goût savoureux des étés à Assier.
Rencontre. Jeudi 14 octobre, d’autres amis, Philippe Léogé au piano, Ali Alaoui aux percussions et Gilles Chabenat à la vielle à roue pour le concert Liqaa (Rencontre). Rencontre presque inimaginable entre un pianiste de jazz, un vielliste et un percussionniste marocain, le projet est audacieux. Jean-Marc Padovani aime prendre des risques, convaincu que la rencontre improbable est porteuse d’une musique forte et inspirée. Le concert commence par un duo, un dialogue, un échange entre le saxophone et le piano, enchaînant deux pièces arabo-andalouses avant que n’entrent en scène le vielliste et le percussionniste. L’attente curieuse des spectateurs est perceptible. C’est la très belle et très puissante composition de Padovani « Solear » qui va permettre à chacun de trouver sa place et de donner sa couleur si originale au concert. Le son tenu et les « scats » de la vielle à roue ajoutent à l’impression de sombre puissance de ce thème (dont je ne me lasse pas). Inspirées pour la plupart de musiques traditionnelles, les compositions de Léogé succèdent à celles de Chabenat et Alaoui, rencontres aussi des imaginaires et des cultures. Une ambiance festive, dansante envahit la fin du concert, portée par la voix et le tambourin d’Ali Alaoui, par les ritournelles de la vielle à roue, accompagnant les envolées du piano et du saxophone.
Dolphy. Vendredi 15 octobre, autour de Jean-Marc Padovani, Sébastien Texier au saxophone, Olivier Sens à la contrebasse, Franck Tortiller au vibraphone, Jacques Mahieux à la batterie. La salle est curieuse du défi que constitue la réécriture de la musique compliquée d’Eric Dolphy. Ecrits, très écrits, les arrangements de Padovani, qui exigent une technique parfaite et une concentration permanente des musiciens. Les deux saxophonistes sont sans cesse à l’écoute, sur deux registres différents, en contraste ou en dialogue. Le délicat vibraphone chante, mélodieux et léger. Olivier Sens, à la contrebasse, s’emporte, frotte son instrument des deux mains, le frappe ; un époustouflant duo contrebasse batterie décolle, déchaîné et drôle. Ce concert exigeant, les spectateurs sont eux aussi concentrés, intelligent, savant sans être cérébral, s’achève par un morceau enjoué, dansant, swing.
Trois heures avec Jean-Marc Padovani et ses amis, tous musiciens experts, révèlent la grande générosité du saxophoniste. Il sera l’invité du Big Band 31 pour le concert du 23 octobre à Odyssud.
Marie-Françoise

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