Ces essais sont des coups de maître Pierre de Bethmann

 

Le pianiste Pierre de Bethmann et les 2 partenaires à part égale de son trio, le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson, tous deux de fortes personnalités, nous ont donné un concert éclatant de fraicheur et de créativité samedi  12 février 2022 au cinéma L'Uxello  de Vayrac, organisé par Scénograph, scène conventionnée de Saint-Céré en collaboration avec Souillac en jazz. Le Pierre de Bethmann Trio (un des nombreux projets du leader pianiste aux multiples activités de  compositeur et d’arrangeur )  court depuis bientôt dix ans et a laissé 4 albums "Essais", réunis en un coffret plus 1 album inédit, que l'on peut voir comme des pièces de collections d'un jazz français hautement abouti à l'égal des quelques grands trios qui ont pris la "succession" du Keith Jarrett Trio  voire même  à l’évidence un peu avant ... Pierre de Bethman a une technique pianistique exceptionnelle, un toucher de piano d'une grande beauté par sa clarté et subtilité pratiquement constante sur tous les registres et pour tous les tempi adoptés. Sa musique aussi bien dans ses exposés et  improvisations est limpide mais, dans l'analyse de la forme, se révèle complexe car elle utilise de manière  naturelle des structures et des développements qui paraissent  inhabituels dans le cadre du jazz. Des métriques voir des harmonies appliquées à des  standards (français, américain, brésilien etc..) sur lesquels on aurait pu penser que tout avait été dit. Les codas d'entrée en piano solo, les exposés, probablement très écrits se mêlent aux développements et improvisations sans que l'on sente vraiment  le moment exact des transitions. Du grand art parfaitement assimilé  par Tony Rabeson et Sylvain Romano qui font corps avec le piano dans un travail collectif très intriqué. Chacun a de multiples occasions de faire entendre sa voix soliste tout en ayant en parallèle  le support absolu  des 2 autres membres. On a pu entendre pour démarrer le concert « Think Of One » de Thelonious Monk, une composition tordue du maitre qui  pourrait en paralyser plus d'un. Ensuite entre autre une composition peu connue de Antonio Carlos Jobim,  suivi de manière étonnante du mouvement « Forlane » du Tombeau de Couperin de Maurice Ravel, le « Dark Blue » du guitariste John Scofield , « Anthropology » de Charlie Parker et Dizzy Gillespie....Une version  du standard américain « Stella By Starlight » exposée  (décomposée)  et développée de manière peu habituelle (de l’aveu même de Pierre de Bethmann, dans son commentaire pendant le concert). Un concert magique qui nous rappelle la richesse de notre pays en musiciens de grand calibre.

Eric pour Souillac en jazz