The Bad Plus à la salle Nougaro de Toulouse
Après le merveilleux concert donné à Souillac, il n’était
pas question de rater la venue de "The Bad Plus" à Toulouse en ce mois de
novembre. La même alchimie transcende les matériaux sonores des trois
instruments dans un creuset d’où jaillit une musique palpable, offerte. Aux premières
notes est donnée une clé : chaque son a un sens, par et pour lui-même ;
touche noire, touche blanche, corde, tom,
balai s’emparent de ce son et de son sens et parfois imperceptiblement et
parfois avec fracas le modifient, construisant un édifice sonore cohérent et
neuf. Je disais cet été : « De très simples mélodies au piano se métamorphosent presque imperceptiblement
en phrasés complexes qui, répétés, deviennent familiers. » Ainsi commença
le concert de novembre mais il se poursuivit dans d’autres univers : en effet, le
batteur donna, ce soir-là, une autre couleur à l’ensemble. La batterie fut essentiellement harmonique, quand le piano et la basse
assuraient la rythmique. Portée par le sourire de David King, la bulle de musique qui enveloppa la salle fut tonique, joyeuse, sensuelle.
Pourtant, comme à
Souillac, les trois musiciens, installés côte à côte, derrière leurs
instruments, étaient toujours dans une posture volontaire de retenue, n’annonçant
que le titre et le compositeur de chaque morceau. Leurs tenues vestimentaires
portaient la marque de leur humour : costume noir sur polo noir et
lunettes à larges montures carrées noires pour le pianiste Ethan Iverson,
chemise à carreaux comme on en met au coin de la cheminée au Canada et jean
pour le contrebassiste Reid Anderson, T-shirt, jean délavé et bonnet vissé sur
la tête pour le batteur David King. Trois looks
pour trois univers ? Voilà un raccourci à éviter à tout prix ! A mon avis, plutôt un clin pour se moquer des
mises en scène élaborées et calculées de certains.
Bousculons donc l’aspect
scénique et concentrons-nous sur la musique. Alternant des compositions de
chacun, reconnaissables rapidement, le concert fusionne les univers. La musique
est la seule réalité, composée de multiples histoires jouées à six mains et
nourries des imaginations prolixes et multiformes de chacun des trois. Les ouvertures
titillent la curiosité, les conclusions sont souvent pleines d’humour. Et entre
les deux se déploie des trésors de joie, d’inventivité et de complexité. Mais bien au-delà de l’originalité et de la
virtuosité, le public a voyagé dans un pays où il se sentait bien (deux rappels
debout l’ont bien souligné) ; il a reçu avec un immense plaisir une
musique à la fois joyeuse et apaisante, frappante pour l’intelligence et
sensuelle. Quand reverrons-nous un concert aussi original et aussi jubilatoire ?
Marie-Françoise
Dessin réalisé par Aurel, Le Monde, 7 septembre 2014
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home