24 janvier 2013

La poésie, au fil des sons



La vitrine de la pizzeria Belfort à Toulouse paraît banale bien qu’on y repère, si on fait attention, des affiches de spectacles qui peuvent mettre la puce à l’oreille. Mercredi 22 janvier, comme nous l’avait proposé Frédéric Cavallin, nous avons poussé la porte, commandé des pizzas, puis nous sommes descendus dans la cave aménagée en salle de spectacle. Ce lieu, habité de mots et de phrases, accueillait dans « Le cycle et le son des mots » la Tentative de Sébastien Lespinasse (mots), Frédéric Cavallin (batterie, percussions et autres objets sonores) et Arnaud Rouanet (saxophone, clarinette basse, percussions de cuisine et autres objets) pour une soirée dédiée à la rencontre et à l’improvisation. Le batteur est venu jouer l’été dernier au festival de Souillac avec la formation Pulcinella, le dimanche soir à Pinsac et le saxophoniste viendra, avec ses acolytes du Trio d’en bas, en juillet 2013 dans les grottes de Lacave. Les mots de Sébastien Lespinasse ne peuvent se passer de son, ils prennent vie, se mêlent, se démêlent et s’entremêlent, au gré de son inventivité, démesurée. Qu’il murmure, susurre ou crie, il nous prend aux tripes ; nous le prenons au mot et nous laissons emporter dans le flux de sonorités, de jeu et de provocations verbales. Alors d’autres sons y prennent part, frappés, lissés, frottés, soufflés, criés ; la batterie enveloppe les bruits vocaux, les contient puis les déborde ; clarinette et saxophone nous dévoilent des mélodies possibles et impossibles. Tout tient à nous parler de nous, humains. Les deux musiciens ont le plaisir de l’improvisation chevillé au corps et la joie d’inventer resplendit autour des mots. Des dialogues s’instaurent : le saxophone provoque les jeux vocaux, la batterie propose une mise en scène pour un nouveau délire soufflé ; la poésie se laisse faire, elle chipe un rythme et s’y complaît, elle attrape une mélodie et lui donne sens. Sébastien Lespinasse ose Perec ; derrière lui flottent le fantôme de Vian, le rire de Michaux, les élucubrations vocales de la bande à Lubat. Se laisser porter, envahir, redécouvrir le langage et croire à la parole : les spectateurs, extrêmement concentrés, n’en ont pas perdu une miette. Là, les mots perdant leur signification cousent le sens au fil des sons. Marie-Françoise

Sébastien Lespinasse, poète
Frédéric Cavallin, batterie, percussions
Arnaud Rouanet, saxophone, clarinette basse et percussions

Pizzeria Belfort, 2 rue Bertrand de Born, Toulouse