21 janvier 2012

Stabat Akish ou l'expérience de l'ivresse

On a suivi l'épopée de Stabat Akish depuis leur presque naissance jusqu'à un très proche événement puisque, hier soir, nous étions au Mandala où Maxime Delporte et ses cinq acolytes présentaient leur second album Nebulos. D'ailleurs, si je ne m'abuse, hormis "La baie des anchois", "Vortex" et, peut-être?, "Greed", tous les morceaux joués sont issus de ce dernier disque. Mais va-t-en savoir avec des titres aussi tourneboulés. D'ailleurs, je suis sûr de me gourer sur ce point. Quand Maxime Delporte, le leader de cette étrange formation, annonçait que leur dernier-né était sous la forme d'un vinyl lui-même accompagné d'un code nécessaire au téléchargement de la version numérique, je pensais intérieurement que ce choix est, à l'instar de leur musique, non seulement un souci de confronter les extrêmes mais aussi le refus catégorique du "juste" milieu dès lors que l'on considère que celui-ci est mielleux.
En tout cas, quand on est, spectateur, face à cette machine de guerre, notre premier réflexe est de s'écraser devant la carapace blindée du saxophone basse que dégaine Marc Maffiolo. Oh, oh, oh, calme... Qu'est-ce donc que cet engin? C'est que, avec Stabat Akish, on est aspiré dans une confrontation vitale avec un autre monde. Il y a, dans ce sextet tout droit sorti de Delicatessen, un mélange d'univers aussi étranges que délirants que ne renierait pas Tim Burton, son cortège de personnages inquiétants et ses fées. Stabat Akish, c'est avant tout un monde onirique et son refus de coller à la réalité. D'ailleurs... la réalité? Le rêve? Tout ça... Mmh... C'est pas un peu trop facile?
Faut dire que, pour les six musiciens, la facilité, c'est d'abord une injure. Dans le cas plus précis de cette formation, prenons "La baie des anchois". On part d'un thème léger, exposé par la flûte et le vibraphone, sur une phrase de basse lourde et obsédante. Et puis, tout ça s'emballe, se mélange, dans une sorte de crescendo où le grave ténor et la flûte se bousculent. Et voici que le thème, repris au clavier, vient clore ce morceau. En moins de trois minutes, ils nous lessivent dans une succession de cabrioles et, quand cette ivresse nous a fichus sens dessus dessous, on retombe, sans bien comprendre comment, sur nos deux jambes. Stabat Akish, c'est une expérience de l'ivresse.
On les avait suivis à Rio Loco où la formule s'était considérablement gonflée puisqu'on trouvait une quinzaine de musiciens supplémentaires. On avait, d'ailleurs, adoré cette formule et la liberté que Maxime Delporte en avait tirée. On avait souri quand Nancy Jazz Pulsation les avaient réintitulés "Stabat Akish Lorraine", hé, hé, hé... Et bien, hier soir, on en a repris, pimenté à souhait, et de celui qui arrache.
Gilles