Free Denis Colin trio
J’ai évoqué, dans le topo précédent, le Denis Colin trio et la «Great Black Music». Ce trio, s’est, en effet, depuis 2002 (date de publication de Something in Common), consacré aux musiques afro-américaines. Or, les termes employés mêmes constituent une problématique. Pourquoi et dans quelle mesure parle-t-on de musique «afro-américaine»? J’avais abordé ce thème l’an dernier lors d’une écoute commentée consacrée à Archie Shepp. La programmation de Denis Colin trio feat. Gwen Matthews m’en donne une nouvelle occasion.
En 1960, Ornette Coleman publie Free Jazz. A Collective Improvisation. Plusieurs bases sont jetées. Il y a d’abord l’intitulé «Free Jazz», souvent raccourci en «Free», qui, très rapidement, devient programmatique. Il y a ensuite «Collective Improvisation» car, si l’improvisation a tout le temps constituée une marque du jazz, elle était élaborée dans une même configuration d’une époque à l’autre. On développait un thème puis les solistes, à tour de rôle, improvisaient. Le plus souvent un chorus succédait au thème. Revendiquer l’improvisation collective, c’était, pour Ornette Coleman, renverser cette structure et refuser la séparation entre instruments solistes (guitare, saxophones, piano…) et instruments rythmiques (batterie et basse).
Ces changements (doit-on parler de révolution ?) interviennent dans un contexte largement marqué par la ségrégation raciale aux Etats-Unis. C’est, en effet, la décennie des Blacks Panthers, de Martin Luther King, de l’assassinat de Kennedy. C’est aussi la période de décolonisation et, ainsi, d’un fort mouvement d’émancipation. Dans ce cadre le free devint, à la fois, un mouvement musical, un mouvement spirituel et un mouvement politique. Il devient, en outre, dans une synthèse de ces trois mouvements, une musique identitaire afro-américaine. Car, si le jazz constituait un élément culturel des noirs aux Etats-Unis, il devient une musique de plus en plus institutionnalisée et une musique de plus en plus investie par des musiciens blancs (notamment sur la côte ouest et, au-delà des Etats-Unis, en Europe). Aussi, dans une perspective communautariste, semble-t-il révéler un danger qui touche l’identité noire américaine et le free est l’occasion musicale de contrecarrer cette potentielle perte d’identité. Les noirs américains sont, dans cette perspective, colonisés au même titre que les Africains. Ils sont, si je puis dire, colonisés en métropole et, d’un continent à l’autre, le même mouvement de décolonisation doit voir le jour. La justification «afro-américaine» relève de cette interprétation. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le premier festival panafricain ait eu lieu en Algérie (pays alors récemment indépendant), que les Black Panthers y furent présents et que Shepp y enregistra Live at the Panafrican Festival (comment être plus explicite ?) avec des touaregs.
Something In Common et, plus récemment, Songs for Swans ne s’inscrivent pas dans cette filiation politique. En revanche, ils sonnent comme un hommage (les enregistrements ont été effectués à Minneapolis) et animent cette entité musicale en mélangeant, dans un même album hip hop («If 6 was 9»), soul («Don’t Worry»), free («Blasé»), rock d’Hendrix (« Crosstown Traffic»).
Rendez-vous au Black Bar à Souillac jeudi 19 juillet à 18 heures pour une mise en oreilles consacrée à Denis Colin trio.
En 1960, Ornette Coleman publie Free Jazz. A Collective Improvisation. Plusieurs bases sont jetées. Il y a d’abord l’intitulé «Free Jazz», souvent raccourci en «Free», qui, très rapidement, devient programmatique. Il y a ensuite «Collective Improvisation» car, si l’improvisation a tout le temps constituée une marque du jazz, elle était élaborée dans une même configuration d’une époque à l’autre. On développait un thème puis les solistes, à tour de rôle, improvisaient. Le plus souvent un chorus succédait au thème. Revendiquer l’improvisation collective, c’était, pour Ornette Coleman, renverser cette structure et refuser la séparation entre instruments solistes (guitare, saxophones, piano…) et instruments rythmiques (batterie et basse).
Ces changements (doit-on parler de révolution ?) interviennent dans un contexte largement marqué par la ségrégation raciale aux Etats-Unis. C’est, en effet, la décennie des Blacks Panthers, de Martin Luther King, de l’assassinat de Kennedy. C’est aussi la période de décolonisation et, ainsi, d’un fort mouvement d’émancipation. Dans ce cadre le free devint, à la fois, un mouvement musical, un mouvement spirituel et un mouvement politique. Il devient, en outre, dans une synthèse de ces trois mouvements, une musique identitaire afro-américaine. Car, si le jazz constituait un élément culturel des noirs aux Etats-Unis, il devient une musique de plus en plus institutionnalisée et une musique de plus en plus investie par des musiciens blancs (notamment sur la côte ouest et, au-delà des Etats-Unis, en Europe). Aussi, dans une perspective communautariste, semble-t-il révéler un danger qui touche l’identité noire américaine et le free est l’occasion musicale de contrecarrer cette potentielle perte d’identité. Les noirs américains sont, dans cette perspective, colonisés au même titre que les Africains. Ils sont, si je puis dire, colonisés en métropole et, d’un continent à l’autre, le même mouvement de décolonisation doit voir le jour. La justification «afro-américaine» relève de cette interprétation. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le premier festival panafricain ait eu lieu en Algérie (pays alors récemment indépendant), que les Black Panthers y furent présents et que Shepp y enregistra Live at the Panafrican Festival (comment être plus explicite ?) avec des touaregs.
Something In Common et, plus récemment, Songs for Swans ne s’inscrivent pas dans cette filiation politique. En revanche, ils sonnent comme un hommage (les enregistrements ont été effectués à Minneapolis) et animent cette entité musicale en mélangeant, dans un même album hip hop («If 6 was 9»), soul («Don’t Worry»), free («Blasé»), rock d’Hendrix (« Crosstown Traffic»).
Rendez-vous au Black Bar à Souillac jeudi 19 juillet à 18 heures pour une mise en oreilles consacrée à Denis Colin trio.
Gilles
2 Comments:
Dommage que je n'habite pas la région, ça a vraiment l'air d'être très bien..Bonne journée à vous :)
merci pour ce message encourageant
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