Kurt Rosenwinkel "Time Machine"
« Time Machine » crée un temps à son image, en périodes longues de musique mélodique parfois obsédante et en périodes accélérées d’explosions sonores. Le premier morceau, du batteur Jim Black, dure cinquante minutes pendant lesquelles alternent les temps étirés et les temps énervés. L’espace est alors un univers de ruptures, de contrastes dont l’architecture a le temps de se constituer dans nos imaginaires. Le pianiste guitariste démarre le concert au piano par une ballade tranquille qui contient les motifs répétitifs obsédants constitutifs de la spirale dans laquelle nous engage le quartet. La machine temps étend la durée, répète les sons, embarque dans de longues boucles ; le son mélancolique de la clarinette s’étire sur la chanson du piano aux boucles obsédantes. On plane pendant plus d’un quart d’heure. Un grondement de la clarinette lance une séries d’improvisations où les instruments crient, raclent, frottent, gémissent. La rythmique reste fidèle et émergent des bribes mélodiques, aussitôt explorées. Le clarinettiste saxophoniste Andrew d’Angelo est extrêmement présent avec ses sombres phrases mélodiques, boucles répétitives, envolées dissonantes. On a assisté à un solo de batterie qui restera dans les mémoires : sur un parti pris de faible volume, Nasheets Waits a frappé, frotté, tapé en douceur ; on a tendu l’oreille, savourant chaque sonorité, atténuée, parfois chuchotée. Les instruments en ont profité pour changer : le clarinettiste a sorti son saxophone et le pianiste sa guitare qui groove à fond, pendant un très long chorus. On entend le son particulier de Kurt Rosenwinkel à la guitare, électrique et rond, rapide et fluide. Le chorus de saxophone explore l’univers construit par le guitariste, pousse les sons, hurle, gémit et groove tour à tour comme ceux de la contrebasse et de la batterie qui achèvent l’architecture d’un temps et d’un espace construits en stabilité rythmique et en ruptures mélodiques, comme une tour de Babel dans un espace pas encore délimité. Le premier morceau s’achève alors avec un magnifique solo de guitare où l’écho évoque les profondeurs et étire encore plus le temps alors que la clarinette basse s’échappe dans les recherches sonores les plus audacieuses. Suivront un morceau de Kurt Rosenwinkel et un arrangement d’un thème de Bud Powell, construits avec la même architecture circulaire ascendante, dans un temps qui s’est accéléré, libérant l’énergie. Pour le rappel, réclamé avec force et énergie, le quartet, apaisé, cisèle une ballade, où le piano, sur des motifs longuement répétitifs donne au saxophoniste un espace développé en une mélodie envoûtante. On les quitte sous le charme.
Marie-Françoise
"Time Machine": Kurt Rosenwinkel, guitare & piano; Andrew d'Angelo, clarinette basse & saxophone alto; Eric Revis, contrebasse; Nasheet Waits, batterie
Libellés : Jazz sur son 31, Kurt Rosenwinkel
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