18 août 2011

Pulcinella et Dzsindzsa domptent les fauves

Tout commence par "Le grand réveil", un morceau puissant où le thème, en introduction au sax solo par Gabor Weisz, doublé ensuite par celui de Ferdinand Doumerc, vient comme une obsession se rappeler au spectateur. L’accordéon de Florian Demonsant les rejoint puis les contrebasses, de Erno Hock et Jean-Marc Serpin, et les batteries de Frédéric Cavallin et Hunor G. Szabo. "Les" contrebasses? "Les" batteries?… Et oui! Car, dans la formule Panthers’ Plays, à l’exception de l’accordéon, tout est doublé. Doublé car cette formation est la synthèse de Pulcinella, le fameux quartet toulousain dont on a déjà parlé ici, et de Dzsindzsa, un trio contrebasse, sax, batterie. A l’exception de l’accordéon? Or, c’est précisément Florian Demonsant qui a composé le très explicite "Doublement bœuf" qui débute, notamment, par un duo de saxs qui jouent des lignes qui, quasi-systématiquement, se superposent.
Celles et ceux qui ont déjà eu l’occasion de voir et d’entendre Pulcinella ne sont pas dépaysés: on y retrouve la même pêche, le même tonus, des motifs semblables. "Gargamel", qui fut joué à la suite du "grand réveil", en apporte un témoignage probant. Tout, en effet, est en équilibre. Les mouvements sont, successivement, quasi imperceptibles et brusques: tandis que l’accordéon répète presque à l’infini un motif, les deux saxs, à l’instar d’équilibristes qui se mouvraient à l’économie sur le fil, donnent quelques sons furtifs. Et puis, sur un tempo beaucoup plus appuyé, ils brusquent les choses. Les spectateurs de ce cirque invisible cherchent alors le dompteur qui vient d’entrer dans la cage aux fauves ou cet autre équilibriste qui va et vient sur le dos d’un cheval au galop autour d’une piste de sable. Quand le tempo change, notre regard imagine volontiers une autre situation d’équilibre. Et, comme ça, on va et vient au gré de ce cirque musical. On pourrait faire le même constat pour "Liesse" et laisser notre imagination se représenter un clown se déplaçant sur un gros ballon coloré, les bras tendus de chaque côté pour ne pas tomber. Les instruments sont à l’unisson, ou dans une pagaille maîtrisée, quand moulinent les bras pour éviter une potentielle chute, toujours feinte mais qui fait trembler le public. Vient ensuite, comme un interlude, "Shalala", un duo de saxophones, ou se croisent et s’emmêlent les lignes de l’alto et celles du baryton. Mais, au gré de ces deux saxs qui se cherchent en même temps qu’ils semblent indissociables, on quitte l’interlude: le morceau est une entité qui se suffit à lui-même. Et, si la piste s’est vidée de tous les autres saltimbanques, Ferdinand Doumerc et Gabor Weisz occupent l’espace pour une séance de jongles où les sons acrobates passent de l’un à l’autre après maintes cabrioles.
Ce sont quelques éléments subjectifs que cette double formation a enregistrés avec "Panthers’ Plays". C’est également ce spectacle qu’ils ont donné à voir dans la célébrissime grange de Querbes pour le plus grand plaisir du public qui le leur a signifié par de vrombissants applaudissements et un bis insistant.

Gilles

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